Anny-Chantal a
beaucoup compté pour moi ; je voudrais la remercier pour tout ce qu’elle
m’a fait découvrir en 36 ans de travail en commun sur le thème comètes et
missions d’observations à distance et bien sûr spatiales. Elle m’a introduit
dans un milieu qui m’était inconnu et auquel sans elle je n’aurais pas eu
accès.
J’ai fait la
connaissance d’Anny-Chantal lors d’un stage de formation d’enseignants du
secondaire en octobre 1986. La sonde Giotto avait survolé la comète de Halley
en Mars et était le thème central de ce stage d’initiation à l’astronomie.
Anny-Chantal a raconté avec beaucoup d’émotions sa formation d’astronaute. Elle
nous faisait rêver tout en découvrant la fascinante exploration spatiale. Pour
nos élèves du secondaire, la télévision était la source essentielle et la
demande était grande. Les échanges entre elle et nous, ont été très riches et
souvent avec retour immédiat d’expérience. Au bout de trois semaines elle m’a proposé
de travailler avec elle en équipe, ce qui m’a touchée. Elle m’a suggéré de
m’inscrire à deux stages d’été : l’un d’observation et l’autre avec le
CLEA (Comité de liaison Enseignants- Astronomes) pour acquérir des techniques pour l’enseignement de l’astronomie.
Par la suite, notre
équipe a fonctionné jusqu’à nos jours et évolué au cours du temps par étapes
successives dues souvent au hasard, me conduisant progressivement à participer
à ses recherches. Entre 1990 et 1992, chargée de l’organisation sur Paris VI de
toute la formation continue des maîtres, nous avons été embarquées dans des
problèmes administratifs (chronophages). Dans le même temps, le Rectorat de
Créteil proposait à ses enseignants des stages d’initiation à la recherche de
deux semaines. Anny-Chantal s’énervait en disant qu’en si peu de temps on ne
pouvait pas comprendre ce qu’était la Recherche. J’ai timidement dit, que moi
j’espérais le faire avec elle, la réponse fut immédiate, elle m’a proposé deux
ans à raison d’une journée par semaine (Le Rectorat a accepté). Elle m’a
confiée à son thésard (J.-B. Renard); elle m’a très vite impliquée dans son
travail. Cela a été très dur, Anny-Chantal voulait des résultats rapidement. Nous
avons commencé à travailler sur la classification des comètes par la polarisation
et très vite elle a présenté mes résultats dans des conférences et durant les
vacances scolaires m’a invitée à les présenter moi-même (ce qui fait de façon
évidente parti du travail d’un chercheur). Je participais au travail sur
l’imagerie polarimétrique des comètes qui était l’un des thèmes principaux de la
thèse de Jean-Baptiste et nos réunions étaient très animées. En 1993, nous
avons commencé à préparer l’organisation de la grande conférence ACM (Astéroids, Comets, Meteors) qui aurait
lieu en 1996 à Versailles. Là encore c’était chronophage, mais une belle expérience.
Jeune professeure,
elle me parlait de ses étudiants, de son enseignement (et également beaucoup de
ses filles). Elle m’a fait suivre son module d’astronomie en 1989. J’ai pu
accompagner ses étudiants pour observer au télescope de 60 cm du Pic du Midi
alors qu’elle même était au télescope Bernard Lyot (2 m) avec A. Dollfus et
Jean- Baptiste. Ce fut fabuleux, par les observations certes, mais aussi par
les échanges entre nous sans parler du site et de son paysage. J’’ai ensuite eu
la chance de faire de nombreuses missions d’observation dont de 1993 à 1996 au T2m
et enfin au T80 de l’OHP alors que je continuais à avoir un temps plein dans
l’enseignement secondaire et un complément en formation des maîtres (je ne
regrette pas d’avoir galéré pour trouver le temps de tout faire, avec comme
objectif principal mon travail avec mes élèves, que je faisais profiter de mes
nouvelles expériences). Je lui racontais mes joies et parfois difficultés d’enseignante
en collège, elle me racontait celles dans l’université. Nos discutions de
problèmes sociétaux, parfois de politique et aussi d’art ; nous profitions
souvent d’un moment de répit et de liberté au moment des conférences lorsque
qu’après les présentations nous avions l’esprit plus libre.
En 1992, j’ai
commencé un DEA en deux ans. J’ai continué mon travail expérimental et fait en ma
première année, le stage pratique sur 'la classification des comètes par la polarisation de la lumière que diffusent les pouss!ères de la chevelure. Les
discussions aux conférences ont été passionnées et passionnantes, se précisant
avec l’évolution des techniques et du matériel. Anny-Chantal m’a poussée
jusqu’à préparer une thèse en 5 ans. Là encore cela a été fascinant même si ce
n’était pas de tout repos. Avec Jean-Baptiste, j’ai participé au développement
des expériences avec les instruments PROGRA2. J’étais dans mon élément et les
échantillons réels qui convenaient aux recherches de l’époque sur les
particules cométaires permettaient de comparer aux simulations numériques.
Anny-Chantal m’a également proposé de traiter à nouveau les données OPE/Giotto
(au début j’ai pensé que c’était une voie de garage…, mais c’était mal la
connaître). Mes résultats ont servi à des modélisations lors d’un travail
d’équipe à Berne. Cette collaboration a permis de republier enfin les résultats
de l’expérience OPE/Giotto, à la grande joie d’Anny-Chantal (son expérience
étant enfin reconnue comme apportant une réelle avancée sur la connaissance des
poussières cométaires). La dernière partie a été consacrée au traitement et à
l’interprétation des images polarimétriques. J’ai eu la chance d’observer la
comète Hale-Bopp à plusieurs époques, de participer à des groupes
d’observations liés à des missions spatiales. A chaque fois, l’écriture des
articles nous conduisait à des débats passionnés et parfois bruyants. Nous
avons par l’imagerie polarimétrique confirmé en complément du travail de Jean-Baptiste, la plus faible polarisation près
du noyau découverte par Anny-Chantal avec OPE/Giotto. Les discussions avec elle
ont toujours été enrichissantes. Les interprétations utilisaient à la fois les expériences
PROGRA2 avec Jean-Baptiste et les simulations numériques avec Jérémie Lasue (autre
étudiant en thèse avec Anny-Chantal), nous permettant de comparer les deux
approches mais en les confrontant également à de nouvelles missions spatiales.
Le survol de la comète 67P par la sonde Rosetta a été un moment fort pour la
connaissance des poussières.
Notre travail s’est
prolongé au moment des confinements dus au COVID. Anny-Chantal se passionnait pour
la future mission Comet ’Interceptor’ avec l’ESA, tout en participant tous les
quatre, avec les japonais, à une interprétation de la forte polarisation des
astéroïdes sombres proches du Soleil en utilisant des résultats de PROGRA2. Notre
dernier article est enfin accepté mais Anny-Chantal n’est plus là pour s’en
réjouir. Elle restera à jamais dans mes pensées.