Richard,
Quand
nous nous sommes rencontrés en 1970, nous n'avons pas pris
conscience que le poids de notre passé respectif pèserait aussi
lourd sur notre union malgré la force de nos sentiments. Par la
suite, nous avons qualifié ce poids venant de l'enfance de « sac
à dos pesant». Notre unique, mais immense chance a été
d'avoir été aimés, chacun, par une mère formidable.
Malheureusement,
à douze ans, tu as perdu ta maman et tu as été placé
presqu'aussitôt en pensionnat alors que ta soeur restait auprès de
son père. En grandissant, intuitivement tu as senti que ton passé
manquait de clarté et c'est sans regret que plus tard tu as
raccourci ton nom qui est passé de Rozencwajg à Rozen.
Mais
ce n'est qu'à l'âge de 40 ans que tu as appris que ce père capable
de tant de cruauté n'était pas ton père.
Une
quête sans répits a alors débuté. Jamais je n'ai compris ni
accepté que certains te disent de passer à autre chose ou de ne
plus y penser.
En
1992, un fol espoir t'a envahit. La soeur de ta maman venait
d'accepter que tu la rejoignes au Canada afin de connaître enfin la
vérité sur tes origines. Dans la nuit suivant le jour de ton
arrivée elle est décédée. Quel lourd secret a provoqué cela ?
Tes recherches t'ont malgré tout permis de rencontrer des personnes
dont tu ignorais l'existence et c'était à chaque fois une grande
joie et une victoire de plus.
Tu
as mis dix ans à me convaincre d'avoir un enfant, tellement je
doutais de mes capacités à être une bonne mère.
Mais
quel bonheur quand John est né en 1980 et Dan en 1985.
Très
vite, je t'ai appelé « papa miracle » car il
suffisait que tu prennes tes bébés dans les bras pour que les
pleurs cessent.
Bien
plus tard ta fièreté fut immense lorsque John a obtenu son doctorat
en physique et quand Dan a réussi sa licence de pilote de ligne. Le
mariage de John avec Emily fut aussi un grand moment au Tennessee.
La
vie a fait que notre couple a connu des périodes beaucoup trop
« rock and roll » et en 1996 il n'y a pas résisté.
Tu
as rencontré Carole. Votre fils Nicolas a 21 ans et il vient de
trouver sa voie en entamant des études supérieures artistiques. De
cela aussi tu étais très fier.
Je
voudrais tant que tu puisses voir quelle équipe soudée s'est formée
spontanément entre tes trois fils, Carole et moi.
Même
au bout de tant d'années tu semblais craindre que je rencontre
Carole pensant peut-être que cela affecterait ton couple ou notre
relation amicale.
Mais
tu vois que même aujourd’hui tu restes un rassembleur.
Tu
continueras à nous suivre et resteras auprès de nous tous, sois-en
certain.
Hélène