Témoignage UNFPA
Texte de Monique CLESCA,
Représentante UNFPA, Fond des Nations Unies pour la Population, au Niger
au nom de UNFPA Haïti
C’était il y a trois ans déjà. Je déjeunais avec Igor, l’ancien Représentant de UNFPA en Haïti, pendant mon congé. Il m’a raconté les rencontres qu’il avait eues au cours de ses trois premiers mois de fonction dans le pays.
« Vous avez oublié de mentionner Kathy Mangones, » je lui dis.
« Non, je ne l’ai pas encore rencontré, » il me répondit.
« Connaissez-vous qui est Kathy Mangones ? » Je lui ai demandé.
Sans attendre sa réponse, je lui ai dit: « Kathy Mangones est in-con-tour-na-ble dans le secteur genre en Haïti. Compte tenu du mandat de UNFPA qui est intimement lié aux questions de genre et de droits de la femme, il faut en toute urgence aller à sa rencontre.»
La semaine suivante, il m’a confirmé avoir suivi mon conseil. J’ai souri.
C’est cette Kathy Mangones que nous pleurons depuis mardi dernier.
C’est avec une immense tristesse que nous avons appris la disparition brutale de Kathy Mangones, l’une des plus grandes défenseuses des droits des filles et des femmes d’Haïti.
Sa mort nous a profondément endeuillés. Ce coup nous fait mal, très mal, d’autant plus que nous venons de perdre notre sœur Jesi Manigat, et que nous n’avons même pas encore pu combler le vide laissé par Myriam Merlet, Magali Marcelin et Anne-Marie Coriolan quand la terre a tremblée le 12 janvier 2010.
« On tire dans nos rangs.» Voilà les mots que nous avons trouvés pour exprimer notre désarroi face à cette disparition prématurée.
Connaissez-vous qui est Kathy Mangones ?
Kathy Mangones était une femme d’engagement et de combat qui était toujours en première ligne pour défendre les droits des filles et des femmes. Elle en a fait son métier.
Son travail à la coopération canadienne et à ONUFemmes reste une référence. J’ai beaucoup travaillé avec elle quand elle occupait son bureau lumineux à la coopération canadienne à Museau et une amitié s’est développée. Kathy Mangones a participé à la création et au renforcement de plusieurs institutions. Les sœurs l’appellent la maman du CONAP, la Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes ! Son appui a été indispensable à beaucoup de personnes, et beaucoup d’organisations.
Sa marque était son engagement profond, son intégrité, sa boulimie du travail et son humilité hors norme. C’est le travail qui devait être mis en avant, ce sont les femmes bénéficiaires qui devaient être mises en avant, pas elle.
Il y avait aussi chez elle une grande simplicité, la simplicité de ces femmes qui sont sensibles, qui sont discrètes, et qui ont du caractère.
Kathy Mangones, c’était aussi ce sourire lumineux, ces yeux profonds, et ce regard généreux.
Kathy, tu as tracé le chemin. Tout en te rendant hommage, nous tenons à te remercier de tes conseils, de ton appui, de ton accompagnement et du « cheminement »--mot que tu appréciais particulièrement-- que tu nous a permis de faire avec toi.
Nous présentons nos condoléances émues à ta famille. Nous sommes tristes avec elle. Nous pensons à tous tes collaborateurs et collaboratrices, nous leur sont solidaires.
Kathy, nous savons que tu n’es pas loin. Nous sommes convaincus que le Bon Dieu t’a déjà accueilli de l’autre côté dans son paradis éternel avec ses bras grands ouverts pour que ton âme trouve la paix qu’elle mérite tant.
Nous allons utiliser la douleur que nous ressentons encore si fort aujourd’hui pour redoubler nos efforts. En mon nom propre et au nom de tous les collègues de UNFPA, sache que UNFPA pleure ta disparition mais que nous allons continuer à apporter notre appui à la cause des femmes que tu soutenais avec tant d’engagement et de passion.
Saches que UNFPA s’associe à tes sœurs de combat pour rassurer les filles et les femmes qui se sentent si seules avec ta disparition que UNFPA renouvelle son engagement dans le combat pour la défense des droits des filles et des femmes. Nous allons continuer la lutte avec tes idéaux, comme boussole.
Le 12 janvier, j’ai posté sur Facebook une image du soleil levant à Jacmel pour honorer nos morts et nous engager à construire des cendres de nos disparus.
Ce même 12 Janvier, à 2h59 pm, Kathy a réagi sur ma page Facebook. Elle a écrit : « Monique bien dit. Je suis au Benin et j’ai allumé des bougies à Ouidah. »
Aujourd’hui, un mois plus tard, ce 13 février, c’est notre tour d’allumer des bougies pour toi à Niamey, à Port-au-Prince, à Jacmel, au Libéria, partout.
Kathy Mangones, saches que ton engagement et les précieux conseils prodigués pour les droits des femmes, et pour leur liberté demeurent en nous. Tu es et seras toujours présente.
Monique CLESCA, Niamey, Niger, le 13 février 2014